TRADUCTION
«Karaté-do signifie la voie de la main vide, vide d'arme et vide de toute mauvaise intention. C'est une méthode de combat qui utilise les armes naturelles du corps humain. Le karaté est une véritable science qui s'apprend au fil des entraînements pendant de très longues années, voire toute une vie. De nombreux principes physiques, psychologiques et philosophiques sont appliqués pour l'étude de cet art», expliquait Robert Fau lors d'un exposé présenté en fin d'assemblée.
Sans sa discipline interne, le Karaté est simplement une autre façon de combattre. Cependant, il est plus qu'un sport de combat, c'est un art. La nuance est importante. Bien sûr, il comporte une mise en action du corps par des exercices physiques, mais son enseignement traditionnel nécessite également une dimension philosophique associée à des valeurs que l'on peut qualifier de pacifiques, mais aussi de « prosociales », car ce sont des valeurs qui sont nécessaires pour faciliter la vie en société. La maîtrise de tout art demande patience, autodiscipline et concentration.
La pratique du Karaté renvoie à un art du combat vis-à-vis de soi-même pour apprendre à se connaître dans l'action. C'est une discipline de vie consistant en quelque sorte à une quête sur la connaissance de soi, une recherche de maîtrise, de perfection technique, mentale et spirituelle. C'est donc un art de vivre qui s'inscrit à l'intérieur d'un processus de croissance personnelle, sociale et d'éducation structurée. Ce climat n'est pas négligeable pour des jeunes de plus en plus à la recherche de repères dans une société où domine une crise de valeurs. Le suffixe « do » que l'on rencontre dans « Karaté-do », mais aussi dans d'autres disciplines (judo, aïkido, taekwondo, ... .) signifie la recherche d'une voie intérieure pour vivre en harmonie avec autrui.
Plusieurs études se sont penchées sur l'influence que pouvait avoir la philosophie qui encadre les différents arts martiaux, et en ce qui nous concerne, le Karaté. Ainsi, diverses expériences ont été évaluées auprès de groupes de jeunes à partir d'études de cas. Les données laissent entrevoir des résultats encourageants qui, cependant, nécessiteront d'autres évaluations plus approfondies.
Pour clôturer ce point, voici une allégorie qui, nous le pensons, illustre bien la philosophie des arts martiaux :
Un roi désirait avoir de coq de combat très fort et il avait demandé à l'un de ses sujets d'en éduquer un. Au bout de dix jours, le roi demanda : « Peut-on organiser un combat avec ce coq ? » Mais l'instructeur dit : « Non ! Non ! Non ! Il est fort, mais cette force est vide, il veut toujours combattre ; il est excité et sa force est éphémère. » Dix jours plus tard le roi demanda à l'instructeur : « Alors, maintenant, peut-on organiser ce combat ? » « Non ! Non ! Non ! Pas encore. Il est encore passionné, il veut toujours combattre. Quand il entend la voix d'un autre coq, même d'un village voisin, il se met en colère et veut se battre. »
Après dix nouvelles journée d'entraînement, le roi demanda de nouveau : « a présent, est-ce possible ? » L'éducateur répondit : « Maintenant, il ne se passionne plus, s'il entend ou voit un autre coq, il reste calme. Sa posture est juste, mais sa tension est forte. Il ne se met plus en colère. L'énergie et la force ne se manifestent plus en surface.
« Alors, c'est d'accord pour un combat ? » dit le roi. L'éducateur répondit : « Peut-être. » on amena de nombreux coqs de combat et on organisa un tournoi. Mais les coqs de combat ne pouvaient s'approcher de ce coq-là. Ils s'enfuyaient, effrayés ! Aussi n'eut-il pas besoin de combattre. Le coq de combat était devenu un coq de bois. Il avait dépassé l'entraînement du waza (technique). Il avait intérieurement une forte énergie, qui ne se manifestait pas en s'extériorisant. La puissance se trouvait dès lors en lui, et les autres ne pouvaient que s'incliner devant son assurance tranquille et sa vraie force cachée.
Les valeurs du Karaté
Pour entamer ce point, nous souhaitons rappeler cette phrase de Ginshin Funakoshi (1868-1957) fondateur du Karaté moderne : « Le Karaté-do est l'art des hommes vertueux. »
Ainsi nous retrouvons dans la philosophie de cet art un véritable code moral qui prône plusieurs valeurs, telles que :
Le sens de l'honneur.
C'est la qualité essentielle. Nul ne peut se prétendre « Budoka » (guerrier au sens noble du terme, personne pratiquant un art martial) s'il n'a pas une conduite honorable. Du sens de l'honneur découlent toutes les autres vertus. Il exige le respect du code moral et la poursuite d'un idéal, de manière à toujours avoir un comportement digne et respectable. Il conditionne notre attitude et manière d'être vis à vis des autres, mais aussi de soi.
La fidélité.
Il n'y a pas d'honneur sans fidélité et loyauté à l'égard de certains idéaux et de ceux qui les partagent. La fidélité symbolise la nécessité incontournable de tenir ses promesses et de remplir ses engagements. Elle nécessite la sincérité dans les paroles et dans les actes.
La sincérité.
Le mensonge et l'équivoque engendrent la suspicion qui est la source de toutes les désunions. Dans les arts martiaux, le salut est l'expression de cette sincérité, c'est le signe de celui qui ne déguise ni ses sentiments, ni ses pensées, de celui qui sait être authentique.
Le courage.
Le courage est la force d'âme fait braver le danger et la souffrance. C'est lui qui nous pousse à faire respecter, en toutes circonstances, ce qui nous paraît juste, et qui nous permet, malgré nos peurs et nos craintes, d'affronter toutes les épreuves. La bravoure, l'ardeur et surtout la volonté en sont les supports.
La bonté et la bienveillance.
La bonté et la bienveillance sont des marques de courage qui dénotent une haute humanité. Elles nous poussent à l'entraide, à être attentif à notre prochain et à notre environnement, à être respectueux de la vie.
La modestie et l'humilité.
La bonté et la bienveillance ne peuvent s'exprimer sincèrement sans modération dans l'appréciation de soi-même. Savoir être humble, exempt d'orgueil et de vanité, est le seul garant de la modestie.
La droiture.
C'est suivre la ligne du devoir et ne jamais s'en écarter. Loyauté, honnêteté et sincérité en sont les piliers. Elle nous permette de prendre sans aucune faiblesse une décision juste et raisonnable. La droiture engendre le respect à 1'égard des autres et de la part des autres. La politesse est l'expression de ce respect dû à autrui.
Le respect.
Quelles que soient ses qualités, ses faiblesses ou sa position sociale, savoir traiter les personnes et les choses avec déférence et respecter la tradition est le premier devoir d'un « Budoka » car cela permet d'éviter de nombreuses querelles et conflits.
La maîtrise de soi.
Cela doit être la qualité essentielle de tout karatéka. Elle représente la possibilité de maîtriser ses sentiments, ses pulsions. C'est l'un des principaux objectifs de la pratique des arts martiaux. Le code d'honneur et de la morale traditionnelle enseigné dans les disciplines martiales est basé sur l'acquisition de cette maîtrise.
Le cadre du « dojo » fourni donc aux enfants une structure et une discipline qu'ils n'ont peut être pas trouvées à la maison, à l'école ou avec leurs pairs. Ils se retrouvent placés dans un environnement basé sur la formalité, le respect, l'ordre, ... etc.
Respect de soi.
Le karatéka doit veiller à ce que sa tenue (« Karategi ») soit impeccable (propre, beau nœud de ceinture, ...). Il doit également garder une position correcte et toujours se maintenir droit.
Respect des autres.
Le respect d'autrui est très présent dans la pratique de cet art. Les exercices qui nécessitent la présence d'un ou plusieurs partenaire(s) sont donc marqués par un salut entre ceux-ci qui s'effectue aussi bien au début qu'à la fin l'exercice. De plus, comme nous l'avons dit précédemment, les moins avancés doivent céder leur place pour le rituel du salut aux pratiquants plus « haut » gradés. Le respect impose, lors d'un exercice avec partenaire, la maîtrise de soi, à savoir le contrôle de toute attaque et riposte. Enfin, cette valeur exige aussi la modestie, lorsque, par exemple, un pratiquant « haut » gradé travaille avec un débutant.
Respect des règles et de son environnement.
Afin de rendre l'apprentissage efficace et harmonieux, tout karatéka se voit contraints d'obéir à certaines règles, telles que :
- Arriver un peu avant l'heure pour s'y préparer et ne pas troubler le déroulement ;
. Ne pas fumer dans le « dojo » ou y mâcher un chewing-gum ;
. Ne pas parler sans que l'on y ait été invité ;
. Apprendre à se dispenser de toute grossièreté ou attitude de mauvaise humeur ;
. Se montrer courtois envers ses aînés, ses cadets, ses amis et même ses ennemis ; il s'agit d'une règle fondamentale ; c'est pourquoi le cours commence et se termine par un salut ;
. Le pratiquant doit purifier son esprit ; il doit s'efforcer de garder un esprit sain dans un corps sain ;
éliminer de son esprit toutes les pensées égocentriques et toutes les préoccupations, pour se concentrer sur les mouvements avec un maximum de vigueur ;
. Apprendre à réguler sa respiration, jusqu'à ce que chaque souffle corresponde à un mouvement ;
. Achever chaque « kata » dans une concentration totale et avec un maximum de puissance ;
. Respecter, lors des combats, les zones sur lesquelles les coups peuvent être portés ; ainsi que contrôler ses attaques et ses ripostes.
Pour conclure ce point, voici les cinq règles énoncées par Gichin Funakoshi dans son livre Karaté-do ma Voie, ma Vie.
« Ne pas miser sur une seconde chance est la condition du succès. »
« L'entraînement doit être pour vous une affaire extrêmement sérieuse, aussi sérieuse que la mort. Si vous vous contentez de bouger vos mains et pieds, de sauter et fléchir comme une marionnette, il n'y aura pas beaucoup de différence entre votre Karaté et la danse. L'Art demande une discipline aussi rigoureuse que la vie, lutte quotidienne pour la survie. »
« Entraînez-vous corps et âme sans vous soucier de la théorie. »
« Entraînez-vous corps et âme sans vous soucier de la théorie. Bien souvent un homme à qui manque cette qualité essentielle de sérieux se réfugiera dans la théorie. D'autres s'écrient avec un soupir de lassitude au bout de deux mois de pratique d'un Kata : "Malgré tous mes efforts, je n'y arrive pas. Que dois-je faire?" Deux mois ! Comment pourrait-on maîtriser un Kata en deux mois? Le Karaté Dô comprend un si grand nombre de formes et de techniques que personne n'est capable de les assimiler rapidement. Quelle que soit votre engagement, maîtriser une technique, c'est aussi comprendre comment elle s'intègre dans un système tout entier, comment, en d'autres termes, plus de trente Kata peuvent être finalement concentrés en quelques formes fondamentales. Si vous possédez bien un Kata, vous en comprendrez bientôt tous les autres. »
« Évitez la suffisance et le dogmatisme. »
« Évitez la suffisance et le dogmatisme. Celui qui parle d'un ton supérieur ou marche en plastronnant dans les rues comme si elles lui appartenaient, celui là ne sera jamais vraiment respecté même s'il possède d'indéniables compétences. »
« Nous avons tous des qualités et des défauts; l'homme sage cherche à égaler les qualités qu'il trouve chez les autres et à éviter leurs défauts. »
« Évitez de vous tromper sur vous-même et adoptez le savoir-faire de vos camarades. Quand vous remarquez des points forts chez d'autres pratiquants, essayez de les incorporer à votre propre technique. »
« Le karaté do vise le perfectionnement tant de l'esprit que du corps. »
« Respectez les règles de la morale dans votre vie quotidienne, en public comme en privé. Personne ne peut atteindre la perfection en karaté sans avoir compris qu'il s'agit par dessus tout d'une foi, d'une voie. Le karatéka en offrant son aide et en acceptant celle des autres apprend à donner à l'Art la dimension d'une foi. »
Au travers de ces cinq règles, nous comprenons mieux le fait que le Karaté repose sur des valeurs qui dépassent la simple pratique d'un art martial (respect des autres, rigueur dans le travail, concentration, humilité, ...). Le karaté est donc une véritable école de la vie dont la pratique déborde du cadre du « dojo » pour s'étendre à l'existence quotidienne.